Interview de Stéphane Hette, chasseur d’images.
« Je suis heureux d’être hanté par des choses jolies. »
Interview de Stéphane Hette, chasseur d’images.
femelle immature Erythromma lindenii sur Caltha palustris
Hello Stéphane, merci d’avoir accepté notre invitation. Nous sommes ravis de lancer ce premier “Fanatalk” avec vous, une conversation entre passionnés de la nature.
Vous êtes photographe naturaliste, nous invitons nos lecteurs à découvrir vos œuvres à travers une sélection d’images qui illustrent cette interview. L’émission « Silence, ça pousse ! » de France 5 vous a consacré un reportage à (re)découvrir via le lien au pied de l’article. Vous y avez confessé : « Je suis heureux d’être hanté par des choses jolies ». Si vous saviez comme ça nous parle…
Fan. Comment avez-vous vécu cette drôle de période dont nous sortons à peine sur un plan personnel et professionnel ?
S.H. Sur un plan personnel j’étais inquiet pour mes proches plus vieux que moi mais ça n’a pas changé grandement ma vie. Je vis à la campagne, je suis plus aux contact des bestioles que des gens donc ça n’a pas eu d’incidence sur mon travail. Je me suis fait des autorisations pour aller travailler, c’est la seule différence. D’ailleurs certaines images de l’interview ont été prises pendant le confinement. C’était plus calme sur les étangs. J’ai pu réaliser des vidéos que je ne pouvais pas faire avant car la pollution sonore est généralement trop importante. Le vélo m’a manqué. Deux mois sans vélo, ça c’était dur !
Fan. Sentiment partagé ! Et la reprise a été rude… Avez-vous constaté une recrudescence des espèces pendant ce confinement ?
S.H. La nature ne peut pas reprendre ses droits en deux mois. Comme il y avait moins de véhicules, on voyait plus facilement des renards, des lièvres, etc. L’étang où je me rends habituellement n’a pas été entretenu et ça c’était cool ! Je milite pour qu’on taille plus tard, mieux, qu’on fasse une allée plutôt que trois… Mais non, je n’ai pas vu plus d’espèces que d’habitude. Peut-être parce qu’il a fait plus chaud, on les a vus plus tôt – notamment les insectes – mais c’est plus lié au climat, au réchauffement précoce qu’à une quiétude présupposée.
Fan. Nous avons découvert votre travail lors de votre collaboration avec l’entomologiste François Lasserre sur ce livre qui nous enchante : « les vraies fées de la nature ». Depuis quand et comment en êtes-vous venu à photographier des insectes ?
Les vraies fées de la nature
S.H. Les insectes c’est arrivé par hasard, il y a une vingtaine d’années maintenant. Il y avait un papillon chez moi, j’ai glissé une feuille de papier derrière et je me suis dit : « tiens c’est joli, ça me plaît ». Ça m’a vraiment emballé. Mais la difficulté c’était de reproduire les conditions du hasard. Alors je me suis libéré d’une règle de photographe nature qui est de ne pas toucher au sujet. Je suis allé me balader avec un filet à papillons et des petites boîtes. J’ai toujours des petites boites quand je me balade et je ramène un tas de bestioles à la maison. Ça s’est fait naturellement et je me suis petit à petit passionné pour le mécanisme qui met toute cette vie en forme.
Fan. Oui, car vous avez mis au point une technique très particulière pour vos prises de vues.
S.H. Exact. Je mets un fond blanc derrière le sujet : plante, insecte ou oiseau. Si c’est un oiseau, je le positionne sur son parcours en extérieur évidemment. J’adapte la taille de l’écran au sujet et j’utilise deux groupes de flashs : un groupe qui expose le sujet et l’autre qui expose le fond afin de faire disparaître les ombres générées par le premier groupe. Ça paraît compliqué mais c’est deux rideaux de flashs. C’est souple : pas de câbles, pas de chaleur, pas de stress pour le vivant, et ça tient dans un sac à dos. Je me promène un peu partout avec ce kit depuis plus de quinze ans. Les gens me posent souvent la question : tu ne te lasses pas de photographier toujours de la même manière ? C’est le sujet qui fait la photo pas la technique.
Fan. Photos que vous réalisez donc sans retouches. Le résultat est saisissant tant par sa précision que par sa poésie.
Fan. Vous avez un faible pour les papillons, vos deux blogs « artofbutterfly » et « la vie rêvée des papillons » en témoignent. Qu’est ce qui vous touche tant chez ces animaux ?
S.H. La métamorphose ! Tout le monde aime les papillons, personne n’aime les chenilles. Moi je trouve merveilleux de pouvoir être plusieurs choses à la fois. On l’est tous d’ailleurs nous-mêmes, on a chacun nos dualités. Moi je suis un grand fan de nature et j’adore la moto ! Dans le meilleur des mondes je ne devrais pas être passionné de Grand Prix moto…
Fan. L’Homme est une contradiction permanente !
S.H. Il faut bien vivre avec. Mais c’est quand je photographie que je suis le plus heureux. Je m’émerveille de la beauté qui m’entoure. La poésie c’est pas moi qui la crée, elle est déjà là. Je la sublime, éventuellement, quand je fais bien mon travail.
Fan. Nous avons récemment publié un article sur les pionniers, ces “voyageurs naturalistes” qui ont révélé au monde la richesse de sa biodiversité par la qualité de leurs observations et la maîtrise de leurs dessins. Quel héritage laissent-ils aux naturalistes d’aujourd’hui ?
S.H. Tout d’abord la connaissance. Ils ont éclairé la beauté par de la connaissance. C’est pas juste beau. Le beau c’est une question de goût et même s’il y a un beau universel, seul il ne sert pas à grand chose. Ils m’inspirent ces pionniers mais pas seulement nos explorateurs à nous, j’aime beaucoup les estampes asiatiques, chinoises ou japonaises. Il y a des peintres chinois qui ont fait des observations incroyables, il se sont aperçus que les ailes des papillons se tordaient, chose qui n’a été prouvée scientifiquement que très récemment. J’ai des tas de bouquins sur des illustrateurs d’orient de grand talent.
Fan. En avez-vous un à nous recommander en particulier ?
Papillons messagers éphémères
S.H. J’ai ce petit livre : « PAPILLONS » édité par la BNF et qui ne coûte pas très cher. Il rassemble des œuvres anciennes merveilleuses. Je me passionne pour ces peintres qui sont loin de notre culture et qui, eux aussi, sont des naturalistes exceptionnels. L’art de contempler est profondément ancré dans la philosophie asiatique, je vous le recommande vraiment.
Fan. Merci Stéphane, nous ajoutons la référence de ce livre à la fin de cet article. À propos d’Asie, vous signez toutes vos œuvres par un monogramme japonais. Que signifie-t-il ?
S.H. J’ai été adopté à l’âge de deux ans et même s’il était extraordinaire je n’avais pas les mêmes goûts que mon père adoptif. Du coup mon nom de famille, « Hette », n’avait pas trop de sens pour moi. Je l’ai longtemps cherché et il se trouve qu’en japonais, [E-TE] c’est « la main & l’image », donc l’illustrateur, le peintre, le photographe… J’ai été dessinateur dans une première vie, je dessine encore, d’ailleurs je dédicace mes livres en dessinant. Je pense que ce nom en japonais me va beaucoup mieux que l’original en français. Et puis ça finit mes images, quand elles sont seules, il manque un point final qui cautionne mon travail. Ma signature c’est le petit rectangle de gauche, le carré qui l’accompagne signifie quant à lui : « la description de la nature ».
Lysandra bellargus “daiuchuu”
Fan. C’est discret, élégant et harmonieux, on sent que ça vous correspond vraiment. Un grand merci Stéphane de nous avoir ouvert les portes de votre univers si merveilleux. Nous continuerons à suivre votre travail d’ambassadeur de la nature avec attention. Bon vent et à très vite !
Si vous êtes curieux d’apprendre à mieux connaître Stéphane Hette, voici les liens qui vous mèneront vers ses trésors ▾
À voir :
‣ Émission « Silence, ça pousse ! » de France 5
‣ Galerie Blin plus Blin Tirages d’art numérotés, signés et certifiés en séries limitées
À suivre :
Blogs
‣ Art of Butterfly
‣ La vie rêvée des papillons
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‣ Facebook
‣ Instagram
À lire :
Publications
‣ Ses livres
‣ Son magazine
Chasseur d’images
Recommandations
‣ Ses livres de chevet :
- PAPILLONS – MESSAGERS ÉPHÉMÈRES, Morwena Joly-Parvex – BNF
- Zao Shao Ang Hua Ji
- Plantes et Fleurs Du Voyage. Dessins Naturalistes XVIIème-XIXème Siècles – Actes Sud
- Fabuleux Insectes, Paul Starosta – Léon Rogez – Jean-Pierre Vesco – Éditions du Chêne
- Les fleurs par les grands maîtres de l’estampe japonaise, Amélie Balcou – Éditions Hazan
- La quête du naturaliste, Benoît Fontaine – Éditions Transboréal
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